Voici un article très intéressant, je trouve

  

" La soumission au masculin 

 

 

C’est un chef de guerre, un résistant, un homme un vrai. Deux soldats le transportent partout à bout de bras, debout sur son bouclier gaulois. Entouré de ses virils guerriers, il tient tête à l’armée la plus puissante au monde, celle de César. Mais quand, rouleau à pâtisserie à la main, sa femme Bonemine déboule sur la place du village et exige qu’il lui « prête » ses porteurs le temps d’aller faire ses courses, Abraracourcix se fait tout petit et obtempère sans moufter. En lisant les albums d’Astérix, nous sourions irrésistiblement au jeu d’inversion des rôles suggéré par Uderzo et Goscinny. Car nous connaissons tous quelques uns de ces couples au sein desquels la femme fait visiblement la loi. Madame porte la culotte, comme on dit. Madame ou le souvenir nostalgique de maman… Mais l’inversion des rôles n’est pas seulement un ressort comique, ou encore une façon comme une autre de vivre à deux. Utilisée à bon escient, elle peut également devenir un aphrodisiaque puissant. L’homme serait-il un soumis qui s’ignore ? Et nous les femmes, des dominatrices en puissance ?

L’envie masculine de soumission

Bien qu’on imagine plus volontiers une femme qu’un homme soumis, le masochisme est une « création » masculine. Son nom est d’ailleurs emprunté à celui de Léopold Sacher-Masoch, écrivain et journaliste autrichien du XIXème siècle dont La Vénus à la fourrure, parue en 1870, fut la première œuvre littéraire entièrement consacrée à la question. Mais le précurseur officiel, le tout premier écrivain à avoir osé décrire le plaisir qu’il trouvait dans sa soumission à une femme fut… Jean-Jacques Rousseau ! « Être aux genoux d’une maîtresse impérieuse, obéir à ses ordres, avoir des pardons à lui demander, étaient pour moi de très douces jouissances », avoue-t-il dans le Livre premier de ses Confessions. Comme on l’imagine, ce penchant trouve sa source dans un épisode de l’enfance. Rousseau raconte ainsi comment il fut bouleversé par la correction reçue de la main (et la férule) de son éducatrice d’alors, Mademoiselle Lambercier. « J’avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte (…). Ce châtiment d’enfant, reçu à huit ans par la main d’une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s’ensuivre naturellement ».

 

Comme en témoignent les offres abondantes de produits ou services sexuels à destination des hommes soumis, Rousseau et Sacher-Masoch ne sont pas des exceptions. Les hommes qui apprécient de marcher à quatre pattes, tenus en laisse par une maîtresse inflexible dont ils seront peut-être autorisés, plus tard, s’ils sont sages, à lécher les talons aiguilles, sont en réalité plus nombreux qu’on le pense. Mais la chose est presque impossible à dire. Ayant avoué le plaisir trouvé sous la férule, Rousseau conclut fièrement : « J’ai fait le premier pas et le plus pénible dans le labyrinthe obscur et fangeux de mes confessions… Dès à présent je suis sûr de moi : après ce que je viens d’oser dire, rien ne peut plus m’arrêter ».

Une pratique difficile à assumer

Le concept de l’homme esclave brise en effet plus d’un tabou. Aux « contradictions » inhérentes au SM – le plaisir dans la douleur, l’humiliation, la dépossession de soi – vient s’ajouter ici un impératif incontournable de notre ordre social, selon lequel l’homme serait un dominateur inné. Nos oreilles sont si rebattues du cliché du mâle dominant que l’idée même d’un homme soumis semble tout à fait incongrue. Mais comme l’enseigne Bourdieu, le schéma de domination masculine, profondément ancré dans nos mentalités et nos structures sociales, ne reflète pas une réalité objective. Handicapant pour les femmes, ce schéma de domination est souvent lourd à porter pour les hommes. Il requiert une surveillance de chaque instant : « Comme les dispositions à la soumission, celles qui portent à revendiquer et à exercer la domination ne sont pas inscrites dans une nature et elles doivent être construites par un long travail de socialisation » indique le sociologue. D’où le devoir, pour chaque homme, « d’affirmer en toute circonstance sa virilité ». En d’autres termes, tous les hommes n’ont pas l’étoffe du dominateur, mais tous sont tenus de jouer le jeu. Et s’il est difficile pour une femme d’assumer le plaisir qu’elle peut trouver à se faire flageller, pour un homme ce même aveu relève quasiment du suicide social. Mettant en question l’un des principes fondamentaux sur lesquels repose notre société, l’homme qui se proclame soumis est presque un ennemi public.

 

Autant dire que Frank, le seul homme à avoir accepté de témoigner dans le cadre de cette enquête, fait figure d’ovni. Cet homme de 35 ans parle de sa sexualité avec une liberté et une sérénité d’esprit assez étonnantes. Mais ce qui surprend le plus, c’est que cette attitude semble être payante. Comme Rousseau, Frank est un homme que désormais rien ne semble plus pouvoir arrêter. Pas la peur de l’exclusion ou de l’opprobre sociale, en tout cas. Au contraire, parler librement de son goût pour la soumission est comme il le dit lui-même un « excellent filtre à connards ». Non qu’il pense que tout le monde devrait se mette au SM. Simplement, Frank sait qu’il n’a pas grand-chose à partager avec ceux et celles qui, par crainte, dégout ou déni, s’arrêtent net à l’évocation d’un fouet ou d’un ensemble en latex. D’accord. Mais justement, Frank, qui sont ces femmes qui tiennent la laisse ou le fouet ?

Les femmes dominatrices

Bien entendu, on trouve des maîtresses professionnelles, mais Frank leur préfère les femmes qui pratiquent en amateur. Comme nombre de masochistes, il tire sa propre jouissance du spectacle et du plaisir qu’il offre à l’autre. Les rapports tarifés ne l’intéressent pas. Les dominatrices sont-elles faciles à trouver ? Y a-t-il un truc qui permette de les identifier ? Frank soupire que non, malheureusement. Du moins, pas toujours. En dix ans de pratique il a connu beaucoup d’aventures ternes, vulgaires ou décevantes. Dommage qu’il ne connaisse pas Héléna.

 

Héléna est une personne qu’on remarque immédiatement. Grande, élégante, sexy, cette femme de 45 ans correspond assez bien à l’idée qu’on se fait d’une dominatrice. Et pourtant, Héléna a d’abord été soumise. Ha bon ? Parce qu’on peut changer de bord ? Évidemment répond-elle. Sans être systématique, la chose est assez fréquente : « Quand on a associé le plaisir à la douleur, tout est possible. Endurer, faire endurer, ou passer de l’un à l’autre. D’ailleurs, tous les soumis vous le diront : les meilleures maîtresses sont celles qui ont d’abord été des esclaves. Quand on a connu les attentes inquiètes, les douleurs exquises, l’abandon total de soi, on sait précisément ce qu’on inflige à l’autre, on lui fait prendre un sacré pied ». Mais alors, qu’est-ce qui l’a décidée à dominer à son tour ? « J’ai eu le déclic au cours d’une soirée privée, en regardant une pseudo-maîtresse s’y prendre comme un manche avec une fille qui m’excitait beaucoup. Je les regardais toutes les deux et j’étais très frustrée devant tout ce potentiel gâché… C’est là que j’ai compris quelle était ma vraie place ». « Vraie place » ? Parce qu’elle n’envisagerait pas de se soumettre à nouveau ? « Certainement pas ! Comme je le disais, dans ma tête le plaisir et la douleur sont inextricablement liés. J’ai goûté à tout. Mais ce qui m’excite maintenant, c’est regarder l’autre. Être la source unique de son plaisir et surtout tenir son orgasme dans ma main : l’interdire, le retarder, l’autoriser ».

 

Comme chez Frank, comme chez les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête sur la soumission au féminin, on perçoit une fierté certaine dans la voix et l’attitude d’Héléna. Une fierté qui semble moins tenir à la pratique elle-même qu’à l’audace d’en parler. Avoir transgressé des interdits et surtout oser le dire semblent avoir un effet férocement libérateur. Presque glorieux. Rousseau, Frank, Héléna, tous font l’effet de petits Prométhée, qui auraient réussi à dérober le feu aux dieux pour le ramener chez eux. Chez eux ? Mais chez soi justement, ce feu, qu’en fait-on ? Le SM peut-il trouver sa place dans une relation de couple ? Selon le cliché de la psychologie de comptoir, nous serions tous plus ou moins sadomasos. Mais à écouter Héléna, on comprend bien que les plaisirs de la domination ne sont pas susceptibles d’exciter tout le monde. Et les hommes masochistes, on l’a vu, se présentent rarement comme tels. Une femme non initiée aux vertiges du sadomasochisme peut-elle s’épanouir auprès d’un homme soumis ?

Amour et soumission peuvent-ils faire bon ménage ?

S’il a été difficile, dans le cadre de l’enquête, de recueillir le témoignage d’hommes soumis, un nombre assez étonnant de femmes est venu raconter l’expérience qu’elles avaient vécu avec eux. Alexandra a 28 ans. En dépit de son jeune âge, elle semble totalement épuisée. Nerveusement et physiquement à bout. Elle a rencontré Philippe dans une soirée. Un homme séduisant, distingué, qui semblait avoir beaucoup de succès auprès des femmes et aussi dans son métier. « Il était tout ce dont je pouvais rêver. Ses manières me plaisaient. Les fleurs, les cadeaux, les surprises, les compliments… J’ai eu droit au « grand jeu », et je suis vite tombée amoureuse. Je lui ai présenté mon frère, mes amis. Tout le monde le trouvait génial. Sauf ses quelques copines qui trouvaient louche qu’à presque quarante ans, cet homme soit toujours célibataire. Moi je suis une optimiste de nature, je ne me suis pas méfiée. En fait, je n’aurais jamais imaginé. Au début de notre histoire, il n’était pas du tout question de ce genre de choses ». Les « choses » ont démarré gentiment. Une claque sur les fesses. Un ordre donné. « J’avoue qu’au début j’ai trouvé ça excitant. Très excitant, même. Pour moi c’était nouveau, surprenant, interdit, grisant. Enfin, tout ça c’était au début, avant qu’il ne sorte son matériel et ses requêtes vraiment spéciales ». Requêtes spéciales ? Philippe veut se remettre corps et âme à la femme de son cœur. Prendre un RTT et rester attaché au radiateur une journée entière tandis qu’Alexandra se rend au travail. A son retour, demander humblement la permission pour boire un verre d’eau ou simplement uriner. « C’est déjà assez fatiguant de trouver des jeux érotiques de nature à l’exciter continuellement. Dominer requiert une inventivité et une énergie considérable. Le vrai problème, c’est que le rapport de domination ne se limite pas à notre relation sexuelle. Ou alors, c’est le sexe qui envahit toute notre vie… Les frontières sont difficiles à établir ». Alexandra est supposée dominer Philippe. Mais après une année de pratique SM intensive, elle a surtout l’impression d’avoir été prise au piège. Dans son esprit la confusion est totale. « Ce qui est sûr, c’est que je suis amoureuse d’un homme qui a besoin de souffrir et d’être humilié pour prendre son pied. J’aimerais l’aider, mais les discussions sérieuses sont impossibles. Il se bute ou me demande pardon à genoux, et c’est reparti pour un tour… Plus le temps passe et plus je me sens déchirée par ce qu’il attend de moi. Je ne suis pas celle qu’il voudrait que je sois. A l’amusement et l’excitation des premiers temps ont succédé une nausée perpétuelle et une furieuse envie de me laver… Malgré tout cet homme me touche, je me dis qu’il a dû énormément souffrir, pour en arriver là. Mais cette pitié-même me piège. J’ai peur d’accentuer encore son problème et son dégoût de lui-même en le quittant ». Le récit d’Alexandra est poignant. Les femmes ayant connu des histoires semblables décrivent toutes la même impasse finale. Si tous les hommes ne sont pas prêts à endosser le rôle de mâle dominant, à l’évidence toutes les femmes n’ont pas non plus envie de prendre la relève.

 

Alors, faut-il rêver d’un monde où hommes et femmes seraient enfin parvenus à séparer radicalement le sexe et le pouvoir ? Ici comme ailleurs, tout est probablement affaire de juste mesure. Un beau défi pour les générations à venir…

Caroline Colberti "

 

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Par Lady Ariciaa
Vendredi 18 juin 5 18 /06 /Juin 21:27

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